En y réfléchissant, le problème vient je pense de ce qu'on a souvent trop tendance à vouloir esthétiser les choses, en considérant que ce qui est "beau" est bien.
Or, que ce soit en nat, en CAP ou en vélo, on n'est pas en patinage artistique, on est noté sur la perf, le résultat, pas sur le style.
Naturellement, on accorde de la valeur à un mouvement symétrique et fluide, en pensant qu'il est optimal, alors que l'examen froid et rigoureux des chiffres montre que c'est souvent faux.
L'étude de Coyle est tès intéressante:
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/1997818
Elle montre que sur le groupe considéré, les cyclistes d'élite et les cyclistes de niveau régional ont en fait la même VO2max. Ce qui les distingue, c'est essentiellement:
1) que les cyclistes d'élite sont capables de soutenir 90% de leur VO2max sur 1h, alors que les cyclistes régionaux ne soutiennent que 86% de cette VO2max.
2) que les cyclistes d'élite ont une courbe de puissance beaucoup plus heurtée que les cyclistes régionaux. Même quand ils pédalent à la même puissance moyenne qu'un cycliste régional, leur pic de puissance dans le cycle de pédalage est plus élevé. Ils appuient plus fort sur la pédale en descendant, ne tirent pas sur la pédale et ont une puissance plus faible au passage des points morts haut et bas. Bref les meilleurs cyclistes pédalent carré, et les moins bons pédalent rond.
Je me faisais la même réflexion en entendant l'autre jour un pote avec un capteur de puissance constater un déséquilibre entre sa jambe gauche et sa jambe droite. Il a aussitôt considéré ça comme un défaut à corriger. Mais au fond, si on a une jambe plus forte que l'autre, pourquoi ne pas en profiter pour appuyer plus fort avec cette jambe? Pourquoi vouloir toujours chercher la symétrie, la fluidité?
Même chose en nat, où les entraîneurs répètent qu'il faut nager symétriquement, avec respiration bilatérale, alors que les meilleurs nageurs ont souvent un mouvement très asymétrique, heurté (glisse sur un bras et mouvement rapide de l'autre - on entend un tac-tac, tac-tac caractéristique) avec une respiration monolatérale.
En fait, c'est toujours le même problème: on valorise un geste pour des raisons soi-disantes esthétiques, mais l'examen froid, scientifique et méthodique de la pratique des élites montre qu'en fait la nature se fout de la symétrie, de la fluidité, et de nos notions anthropocentriques de l'esthétique des gestes. Des fois, un geste asymétrique ou non fluide est simplement le plus efficace et le plus économique.